Service de dialyse des Hôpitaux universitaires de Genève. 

TEXTES: FABIEN FEISSLI

PHOTOS: CHRISTIAN BONZON

Chaque semaine, une cinquantaine de personnes atteintes d’insuffisance rénale terminale passent trois demi-journées au service de dialyse des Hôpitaux universitaires de Genève.

Là, leur sang est filtré par une machine pour en évacuer les impuretés et le liquide excessif. Si ce processus les maintient en vie, il se révèle particulièrement éprouvant physiquement, mais aussi socialement.

La dialyse réduit, par exemple, fortement leur capacité à exercer un métier. Pour avancer, la plupart des patients sont en attente d’une greffe, une démarche qui prend plusieurs années.

devant Irène Brown-Lana. C’est son petit plaisir de l’après-midi. «Quand je suis ici, je regarde des documentaires et je mange du chocolat», sourit-elle, allongée sur son lit du service de dialyse des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Depuis plus de trois ans, Irène y passe quatre heures deux fois par semaine. Elle a donc eu tout loisir d’établir ses petits rituels. «Cela prend beaucoup de temps, heureusement qu’il y a la télévision. Mais j’ai 90 ans, j’accepte que ce sera comme ça pour le reste de ma vie», préfère philosopher celle qui, comme tous les patients dans la pièce, souffre d’insuffisance rénale terminale. À côté d’elle, Eric Guithon vérifie l’écran du générateur de dialyse où le sang de la nonagénaire, aspiré depuis le cathéter permanent sur sa poitrine, serpente. «Comme Madame n’urine plus, on utilise un rein artificiel pour filtrer les impuretés. Aujourd’hui, par exemple, on va lui retirer 1,5 litre d’eau», explique l’infirmier. Œuvrant dans le service depuis plus de onze ans, Eric raconte apprécier le contact avec ses patients: «Il y en a beaucoup que je tutoie parce que je les vois depuis un certain nombre d’années.»

De l’autre côté de la pièce, Hadiya Barkhadle fait justement partie des habituées de l’endroit. «Je viens trois fois par semaine depuis deux ans. Il n’y avait pas d’autres solutions, avant j’avais des problèmes à la tête, à l’estomac. Aujourd’hui, cela va mieux, même si je suis très fatiguée après les séances», confie la sexagénaire. Responsable de l’unité de néphrologie, le docteur Patrick Saudan abonde. «C’est un traitement éprouvant pour les patients. Ils passent « à la machine à laver », si vous me passez l’expression», décrit-il. Au-delà des aspects physiques, le spécialiste pointe également les contraintes sociales. «Nous avons des gens entre 20 et 90 ans. Quand vous êtes atteint jeune, c’est un bouleversement catastrophique. Votre capacité à travailler peut être diminuée jusqu’à 100%, c’est très lourd au niveau financier et c’est compliqué pour les proches», détaille-t-il. Malgré tout, le médecin tient à rappeler l’importance de la dialyse: «C’est vrai que c’est un fil à la patte, mais c’est le fil qui les maintient en vie. Il y a cinquante ans, quand les reins ne fonctionnaient plus, on mourait.»

«C’est un traitement lourd pour les patients. Plus le temps passe, plus ils se sentent fatigués.»

Françoise Raimbault, infirmière responsable du service dialyse

Le spécialiste souligne qu’aujourd’hui les patients peuvent rester très longtemps en traitement, parfois jusqu’à une trentaine d’années. Mais la plupart espèrent une greffe, le seul moyen, pour eux, de mettre fin à la dialyse. C’est notamment le cas de Thierry Dubi, 59 ans et diabétique depuis 1977. Depuis près d’un an, l’assistant de sécurité publique jongle entre ses séances bihebdomadaires aux HUG et son métier. «Arrêter de bosser, c’était exclu pour moi. J’ai pu aménager mon horaire pour commencer très tôt le matin. Ce n’est pas évident, mais j’aime mon boulot.» Le Genevois n’a pas non plus renoncé à ses loisirs, le soir même il se rendra à un cours d’aïkido. De quoi impressionner Valérie Omnes, son infirmière du jour. «C’est fabuleux d’arriver à tout gérer ainsi. Cela montre aussi sa volonté de vivre comme tout le monde.» Elle décrit les contraintes liées à la dialyse: «Les gens ne se rendent pas compte de l’impact physique et psychologique. Il y a un régime alimentaire assez strict, vous devez porter un cathéter permanent, ce qui n’est pas forcément facile de faire accepter dans votre vie intime, et vous ne pouvez pas voyager comme vous le voulez.»

«Au début, j’étais terrorisé»

Infirmière responsable du service de dialyse, Françoise Raimbault abonde. «Le grand public n’a pas suffisamment conscience de ce